La fondatrice de la marque de prêt à porter Sessùn n’a de cesse de créer des ponts entre mode, artisanat et art de vivre. A Marseille, son fief accueille jusqu’au 10 décembre « Le Délire délivre », la première exposition de l’artiste Inès Mélia.

C’est un voyage au Guatemala (avec ses couleurs, ses tissus, ses savoir-faire locaux) qui est à l’origine de la naissance de Sessùn. Emma François fonde la marque en 1996, abandonnant un cursus universitaire en anthropologie consacré au rôle de l’artisanat dans l’économie et à travers lequel elle s’initiait déjà au concept de commerce éthique et équitable. Depuis vingt-cinq ans, après nombre de voyages stimulants et aujourd’hui un réseau important de boutiques à forte identité (une cinquantaine en Europe y compris des corners en grands magasins), Emma François demeure fidèle à ses fondamentaux.

En 2019, elle imaginait en son fief de Marseille Sessùn Alma (âme en espagnol), un espace d’échange et de partage, à la fois boutique déco, galerie, librairie, cantine. L’âme de Sessùn transposée dans un lieu hybride plus tangible et organique, pour mettre en lumière des artisans, des artistes, et des savoir-faire au travers d’ateliers…

Déjà, par le passé, lors d’expositions-ventes, comme « indicrafts » en 2013, où des poteries de Pierre Buisson étaient habillées de tricot, Emma François a créé des ponts entre mode, artisanat et art de vivre. C’est donc en toute cohérence que le projet Alma a vu le jour. Aujourd’hui, la commissaire d’exposition Emmanuelle Oddo (studio Piece A Part, Double V Gallery) collabore à la curation ainsi qu’au développement autour de l’artisanat. Le niveau d’exigence est élevé, et pourrait créer un décalage avec l’image de Sessùn, marque de mode accessible.

« C’est un débat constant. On nous a accusés d’être trop élitistes avec nos céramiques d’artistes. Est-ce qu’on peut s’autoriser à avoir une pièce très rare, très chère et en parallèle proposer des prix plus abordables, comme nos petites séries, afin que nos clientes puissent s’y reconnaître ? Sessùn Alma permet de nous remettre systématiquement en question sur tout un tas de sujets. »Notamment celui de la duplication du concept d’Alma. « Dans la boutique de Madrid nous avons mis en place un espace de curation, avec des artistes espagnols, qui est bien accueilli. Développer davantage demanderait une multiplication d’énergie, mais on y pense. »

Sessùn Alma accueille jusqu’au 10 décembre « Le Délire délivre », la première exposition de l’artiste Inès Mélia. Avec ses drôles de totems en bouquins, ses boîtes à mouchoirs creusées dans des romans, elle répond à Book Club, la thématique mode de la saison sur l’histoire d’une fille libre et artiste, se nourrissant de lectures. En écho à ce thème, et aussi pour partager le mode opératoire de ses inspirations, Emma François s’est rapprochée de Leboncoin, et a sélectionné des livres d’occasion ou rares sur des thèmes variés : tissus anciens, indigo, céramiques de Picasso, Jean Cocteau, peintures de Joan Mitchell, photographies des années 1970, Amish… « Mes inspirations viennent souvent des livres. J’en ai fait une consommation indécente pendant le confinement », avoue Emma François.

Journaliste : Litza Georgopoulos
Lien vers l’article